Suite de chansons et danses de Bulgarie et de Turquie

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Niveau de présentation : Avancé

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Suite de chansons et danses de Bulgarie et de Turquie


Musique de fête de Bulgarie
Suite : Taksims, Çalın Davulları, Bir Ayrılık Bir Yoksulluk Bir Ölüm, Indiski Kiuchek, Gaydarsko Horo
Davul-zurna, musique des Balkans - Bulgarie, Macédoine, Turquie
Modes multiples (Eviç - Kürdi - Saba - Nikriz - Pentatonique à l’indienne – Hidjaz - Mixolydien)

Interprétation d'une suite de pièces à la zurna par Samir Kurtov.
Enregistré le 10 août 2020 à Kavrakirovo, Bulgarie © Drom

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Structure modale de la suite

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Samir Kurtov mêle sans distinction thèmes, variations, taksims (improvisations non mesurées) et improvisations rythmiques tout en passant en revue de nombreux modes. L’idée est de créer du mouvement et du jeu pour capter son auditoire.

La structure est donc improvisée et les autres musiciens doivent suivre les intentions du soliste.

Contrairement à d’autres styles, il n’y a pas de règles préétablies quant aux modulations, aux enchaînements et aux développements possibles. Les seules contraintes sont l’efficacité musicale et les limites techniques de l’instrument - que Samir dépasse allègrement.

   

Entendre et analyser la suite de Samir Kurtov : musique ottomane et tempérament dans les Balkans


Afin d’analyser le plus précisément possible la suite jouée par Samir Kurtov, j’emprunte les notions théoriques et les systèmes de notations à la fois de la musique ottomane et de la musique classique occidentale. Je donne plus loin des explications afin d’appréhender plus facilement la théorie ottomane. J'y explique également le fonctionnement du tempérament dans les musiques des Balkans.

 

La construction de la suite


La suite jouée par Samir Kurtov et ses compagnons est composée de 4 thèmes distincts :

  • Çalın Davulları - chanson turque
  • Bir Ayrılık Bir Yoksulluk Bir Ölüm - chanson turque
  • Indiski Kiuchek
  • Gaydarsko Horo

et d’improvisations de deux types de formes :

  • le taksim, forme non mesuré dans le style “alaturka”
  • l’improvisation rythmique dans le style bulgare.
     

 

Le schéma suivant est une frise chronologique représentant le développement de la suite.

Le trait rouge correspond au bourdon des zurnas accompagnatrices. Au-dessus de celui-ci sont indiqués les thèmes et les improvisations, et en-dessous les modes joués.

On peut remarquer que la forme narrative de cette suite s’apparente à une montée en puissance. En effet, plus on se dirige vers la fin et plus il y a d’événements :

  • les thèmes et les improvisations alternent de plus en plus rapidement
  • les modes différents s’accumulent vers la fin
  • le bourdon change plusieurs fois mais uniquement à la dernière partie
  • le tempo accélère de manière exponentielle
  • les improvisations jouées au début sont des taksim, donc des improvisations  non mesurées laissant de l’espace puis en s'approchant de la fin elles deviennent rythmiques, rapides et resserrées.

     


Les modes utilisés dans la suite

Les musiques balkaniques ayant une approche à la fois orientale et occidentale des modes, ceux-ci peuvent être appréhendés avec les systèmes de tempérament inégal ou égal. Pour cette raison, la transcription des modes joués dans cette suite est un mélange de deux notations ottomane et classique occidentale. Lorsqu’il s’agit d’un makam, j’utilise le système ottoman et lorsqu’il s’agit d’un autre type de mode j’utilise la notation à tempérament égal.

Les degrés en rouge correspondent au bourdon des zurnas accompagnatrices et les altérations entre parenthèses signifient qu’elles sont accidentelles ou qu’elles ne sont pas forcément jouées.

Les modes sont disposés selon leur ordre d’apparition. J’ai choisi comme tonique de départ le “la” pour des raisons de lisibilité, mais la version originale de Samir est en sol#.

 

Les multiples influences de Samir font que l’on entend des modes de différents horizons.

Par exemple, dans l’Indiski kiuchek, Samir passe du makam Nihavend à une gamme pentatonique inspirée de la musique indienne. Il revient ensuite à Nihavend auquel il ajoute succinctement une tierce majeure et une sixte majeure (dans la partie basse) afin de reproduire la couleur de certains modes indiens. Puis il cite rapidement le makam Hidjaz et passe dans le makam Segah.

Il alterne donc entre des vocabulaires musicaux ottoman et indien.

Quelques exemples de modulations dans la suite de Samir Kurtov :

Dans la dernière partie “Gaydarsko Horo”,  Samir réalise 4 modulations.

A chaque modulation, il ne déplace qu’un seul degré, toujours le deuxième - ou le troisième pour le makam Nikriz puisqu'il descend d’un ton.

Le makam Müstear est un mode très utilisé dans la musique des Balkans. Cependant, il est joué de manière tempérée et en ajoutant souvent des chromatismes entre la tierce et la quarte et entre la sixte et la septième.

15 mars 2021

Laurent Clouet

Musicien