Fújnak a fellegek

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Représentations et analyses

Niveau de présentation : Avancé

Hongrie > Transdanubie méridionale

Fújnak a fellegek


Musique populaire de Hongrie
Fújnak a fellegek Somogy megye felől - Les nuages soufflent du comté de Somogy
Transdanubie méridionale
Musique Páva

Le chant dont l’incipit littéraire est Fújnak a fellegek Somogy megye felől : "Les nuages soufflent du comté de Somogy", a été interprété a cappella par Szakáll Józsefné "Miklós" Bebők Judit "Dávid" à Nemespátró, dans le comté de Somogy, en Transdanubie, au sud-ouest de la Hongrie, en 1969.

L’enregistrement, réalisé par Imre Olsvai et Pál Sztanó, est conservé dans les Archives de l’Institut de Musicologie du Centre de Recherche des Sciences Humaines sous le numéro d’archive AP_6686l. 

Reproduit avec l'aimable autorisation des Archives de l’Institut de Musicologie du Centre de Recherche des Sciences Humaines (1014 Budapest, Táncsics M. u. 7.)

Représentations et analyses

Transcription sur partition et analyse

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Partition de Fújnak a fellegek par K. Paksa et K. Bodza, 1997.

Partition de Fújnak a fellegek par K. Paksa et K. Bodza, 1997.

Cette partition est tirée de Paksa, Katalin et Klàra Bodza, 1997, Magyar nèpi ènekiskola, vol.1. Budapest : Magyar Nèpművelèsi Intèzet Néptàncosok Szakmai Hàza, p.171, n°130.

La fonction de la partition dans l'apprentissage du chant de tradition orale

La notation des mélodies, des rythmes et des paroles des chants de tradition orale est toujours approximative : elle n’offre qu’une exactitude relative car le passage de l’écoute musicale à la transcription produit une perte de données

Concernant les composantes mélodico-rythmiques, certaines informations porteuses du sens disparaissent : la vitesse de l’interprétation, le ralentissement ou l’accélération durant l’exécution, l’accentuation, l’intensité, la durée et la hauteur (fréquence de vibration) des sons ; les détails rythmiques et mélodiques de l’ornementation, le timbre de voix, l’interprétation, c’est-à-dire la subtilité personnelle de l’exécution, la vision individuelle du chant.

La notation de la parole ne donne pas des indications précises non plus, car les lettres de l’alphabet n’expriment pas la subtilité de la prononciation exacte des phonèmes qui donnent, entre autres, les caractéristiques et les couleurs des dialectes linguistiques.

Afin de donner des précisions et de s’approcher de la réalité perceptible, les transcripteurs utilisent fréquemment des signes « diacritiques ». Dans cette transcription musicale, la flèche ( ) indique que la hauteur du son dans l’exécution orale est légèrement plus grave que la hauteur indiquée sur la portée. Cette indication n’est pas précise. Néanmoins, en lisant la partition ce signe attire l’attention de l’apprenant sur la hauteur du son ainsi que sur la « fragilité » de la transcription musicale.

En conséquence, au moment de l’apprentissage, la partition accompagnée par le texte sert comme aide-mémoire. L’écoute musicale de l’enregistrement sonore est essentielle pour l’appropriation de la mélodie et de la parole.

 

La pratique de la transcription musicale des ethnomusicologues hongrois

Selon la tradition de l’ethnomusicologie hongroise, les chants de tradition orale sont transcrits avec la note finale « g », indépendamment de la hauteur absolue de l’exécution et de la tessiture de la voix. Cette pratique a commencé à l’aube de l’ethnomusicologie hongroise car la transposition à la même hauteur facilite l’analyse comparative et le classement des chants recueillis.

La note finale « g » (écrit sur la deuxième ligne de la portée) est identique au « sol » (utilisé comme dénomination dans le système français). En effet, deux systèmes de dénominations de sons absolus existent en Occident dans la pratique musicale. L’un utilise l’alphabet latin pour nommer les notes correspondant à une fréquence de vibration et l’autre système se sert de la première syllabe des vers de la première strophe de l’Hymne à Saint Jean-Baptiste écrit par Paul Diacre au IXe siècle pour nommer les syllabes de solmisation depuis Guido d’Arezzo. En Hongrie, les deux systèmes sont utilisés. La dénomination des sons selon l’alphabet latin sert à décrire la hauteur absolue. Les dénominations tirées de l’hymne latin sont utilisées dans la solmisation relative où un son est définit en fonction de ses rapports avec les autres sons.

La transcription, une trace graphique du chant

La structure poético-musicale est perceptible par la distinction des phrases musicales (accompagnées des vers correspondants). Dans cette partition, chaque phrase est transcrite séparément sur une portée différente. Le découpage de la transcription représente visuellement la structure du chant. Dans ce cas, les quatre vers de la strophe sont mis en musique par les quatre phrases musicales.

Les ethnomusicologues hongrois transcrivent généralement la première strophe entièrement.

En fonction de l’objectif de l’édition, la transcription publiée est plus au moins complexe : pour des analyses ethnomusicologiques, les variations rythmiques et mélodiques qui se forment toute au long de l’exécution sont indiquées par rapport à la première strophe. Elles sont annotées et transcrites séparément avec le texte correspondant, en indiquant le numéro de strophe où elles se sont produites. Les variations exclusivement rythmiques ne nécessitent pas l’utilisation de la portée.

Informations complémentaires accompagnant la transcription musicale

Les informations complémentaires contextualisent la transcription musicale et donnent des renseignements concernant la musique enregistrée. En fonction de l’objectif de l’édition, ces indications sont plus au moins détaillées :

  • l’interprète en précisant son nom, son prénom et sa date de naissance,
  • le lieu et la date de l’enregistrement,
  • le nom et le prénom de l’enquêteur,
  • le nom et le prénom du transcripteur,
  • la hauteur absolue du chant à partir du « a » donné par un diapason soufflé qui précède l’enregistrement du chant,
  • le mode d’exécution du chant (giusto, parlando, rubato…).

Concernant ce chant, comme information complémentaire, le lieu de l’enregistrement, le dialecte musical et le mode d’exécution sont indiqués.

Le lieu de la collecte et le dialecte musical

Le lieu de la collecte du chant est noté du côté droit, au-dessous de la transcription, et est suivi par un chiffre roman I qui indique le dialecte musical. Le concept de dialecte musical a été introduit par Bèla Vikàr (1859-1945).
Linguiste, traducteur, ethnologue, Vikàr a utilisé pour la première fois le phonographe d’Edison en Europe en 1895 et a présenté ses enregistrements à Paris à l’occasion de l’Exposition Universelle en 1900 (Sàndor, 1982, p. 538). Il a réalisé des enregistrements phonographiques sur le territoire de la langue hongroise. Basé sur ses observations lors de ses études linguistiques, Vikàr a proposé l’introduction du terme « dialectes musicaux » : « Semblablement aux dialectes linguistiques existent des dialectes musicaux. Selon mes observations actuelles, les dialectes musicaux et linguistiques sont indissociables » (Vikàr,1901, p.14.).

Par l’analyse comparative des chants collectés sur différents territoires de la langue hongroise, Bèla Bartòk, (1881-1945,) compositeur, pianiste, ethnomusicologue, a distingué quatre dialectes musicaux en 1922 :

  • 1/ La Transdanubie (Ce dialecte musical comprend les villages habités par les Hongrois en Slavonie.)
  • 2/ La Haute-Hongrie, au Nord du Danube (qui comprend quelques villages habités par les minorités hongroises en Slovaquie) 
  • 3/ La région de la Tisza ou bien la Puszta (la Grand Plaine Hongroise)
  • 4./ La Transylvanie en ajoutant la Bukovina (les minorités hongroises habitant sur le territoire de la Roumanie)

Suite aux travaux de Bartòk, les ethnomusicologues complètent cette répartition avec un cinquième dialecte englobant « Gyimes » et la « Moldva » (ces territoires font partie de la Roumanie et sont habités par des minorités hongroises). Suite aux enquêtes ethnomusicologiques, la description les dialectes musicaux deviennent plus en plus détaillée et des sous-dialectes dessinent progressivement (Olsvai, 1998, p. 527).

 

Les dialectes musicaux en Hongrie, d'après Bargyas, 2002

Les dialectes musicaux en Hongrie, d'après Bargyas, 2002

Carte tirée de VARGYAS Lajos, 2002, Magyarsàg nèpzenèje, 2e ed., Budapest : Jelenlèvő Mùlt.

Carte tirée de VARGYAS Lajos, 2002, Magyarsàg nèpzenèje, 2e ed., Budapest : Jelenlèvő Mùlt.

L'exécution musicale de la pièce

Empruntés à la musicologie, les termes techniques « parlando / rubato » concernent l’exécution du chant. Ces indications sont écrites du côté gauche, au-dessous de la partition.  Contrairement au tempo giusto qui indique la pulsation constante et régulière, le parlando désigne que l’exécution du chant se produit selon la langue parlée et le rubato signale que dans l’exécution, l’alternance des temps forts et faibles est irrégulière. Les émotions, une « pulsation » subjective priment sur l’expression rythmique : la rythmique et l’accentuation des paroles priment sur la rythmique musicale.

20 septembre 2020

Zsòfia Pesovàr

Ethnomusicologue