Lo curat de la chapela - La calha

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Représentations et analyses

Niveau de présentation : Découverte

France > Auvergne Limousin > Bourrées

Lo curat de la chapela - La calha


Bourrées à trois temps
Lo curat de la chapela
Tradition du Massif central
Bourrée à trois temps, air de danse instrumental

Lo curat de la chapela, "Le curé de la chapelle", bourrée à trois temps jouée au violon par Joseph Perrier.
Enregistrée à Pérol, commune de Champs-sur-Tarentaine, Cantal, vers 1986, par Eric Cousteix.

Enregistrement originellement publié dans la cassette audio « Musique du canton – Champs-sur-Tarentaine » (AMTA 1987), puis mis en ligne sur la Base Interrégionale du Patrimoine oral. Enregistrement reproduit avec l'aimable autorisation d'Eric Cousteix

Cette bourrée au style très développé est l'aboutissement d'un vaste répertoire de bourrées apparentées entre elles. Cette étude propose de tracer le chemin d'évolution mélodique de ces bourrées à trois temps du Massif central, du plus simple avec la bourrée La calha, au plus développé, avec Lo curat de la chapela.

Représentations et analyses

Arbre généalogique de La calha - Lo curat de la chapela

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Voici l'arbre généalogique de notre famille de mélodies, de la plus ancienne connue à la plus élaborée :
 

1. Belle et charmante brune

Cet air de chanson remontant au XVIIème siècle semble, dans l'état actuel de mes connaissances, être l'archétype le plus ancien de la famille de mélodies étudiées ici. Il s'agit d'un air de « brunette », c'est-à-dire un genre de chansons ressenties par la bonne société comme simples, gracieuses et naturelles, faisant souvent référence à un univers pastoral stylisé. Pour la plupart créées au XVIIème siècle, ces mélodies ont continué à être appréciées et pratiquées au siècle suivant.

En voici une version emblématique, issue du recueil du "Théâtre de la Foire", t. 1, air n°90, 1721. Cet air était à cette époque chanté au théâtre : 

 

Une autre version peut être identifiée dans le recueil de Ballard, en 1703 :

2. La calha (versions à deux temps)

La mélodie précédente reste très reconnaissable dans celles des versions de « La calha » (« La caille ») qui sont sur un rythme à deux temps. Les paroles, à travers toutes les variantes que peuvent comporter les chansons traditionnelles, sont bien reconnaissables : il s'agit d'un dialogue où la caille répond aux questions d'un interlocuteur indéterminé :

« Oh dis-moi donc la caille, où as-tu ton nid ? / De quoi est-il fait ? / Qu'y a-t-il dedans ?... »

Ces versions à deux temps proviennent plutôt des régions du sud-ouest de la France. Une version emblématique est celle qui apparaît dans le recueil « Chants populaires du Bas-Quercy recueillis et notés par Emmanuel Soleville » (H. Champion, Paris, 1889) :

 

Mais on trouve aussi d'autres versions, toujours à deux temps : 

Nous parvenons ensuite à notre première Calha en version bourrée à trois temps.

Cette transparence rythmique, ou passage des versions à deux temps à des versions en trois temps par changement de mesure, n'ôte rien à la filiation mélodique, comme nous pouvons l'entendre clairement lorsque nous jouons ces différentes pièces :

- De "Belle et charmante brute" vers "La calha" (binaire) puis vers "La calha" (3 temps)
- De "Ecouter un miracle" (binaire) vers  "Ecouter un miracle" (ternaire) vers  "Un jorn d'aquesta prima"

Jouées par Jean-Marc Delaunay (CRMTL)

 

Exemple de filiations mélodiques avec changement de mesure, joué par Jean-Marc Delaunay © CRMTL

 

3. La calha, version bourrée à trois temps


Très répandue à travers tout le Massif Central, on trouve sur un rythme de bourrée à trois temps la même chanson, dont la ligne mélodique garde malgré tout un air de famille avec la précédente.

En voici la version emblématique en majeur :

L'interprétation par Jean Chabozy en 1977 y correspond bien :

La calha, par Jean Chabozy. Enregistré par Olivier Durif en 1977. © Durif / BIPO

Dès la fin du XIXème siècle, une version en mineur, à la construction un peu différente, en a été recueillie en Limousin :

L'étape suivante dans le développement de la mélodie issue de « La calha » sont les bourrées : 
 

4. Au bòsc de la fuelhada [Au bois de la feuillade], Las bravas e las laidas [Les belles et les laides], Dròllas qu'avetz d'auganhas [Filles qui avez des noisettes]

Ce groupe de bourrées est constitué autour de plusieurs paroles différentes et donne lieu à de nombreuses variantes mélodiques.

En voici deux versions centrales, par André Gatignol qui interprète "Les belles et les laides", et Eugène Amblard : 

Chas la maire Antoèna - Las bravas e las laidas, par André Gatignol. Enregistré par Eric Cousteix à Saint-Genes-Champespe © Cousteix-AMTA / BIPO

Eugène Amblard, Dins lo bosc de la fuelhada [Dans le bois de la feuillade]. Enregistrement d'Eric Cousteix. © Cousteix / BIPO


5. Lo curat de la chapela


Directement issue de « Au bòsc de la fuelhada », cette bourrée porte à son point culminant la complexification mélodique de ce thème. Réécoutons la version emblématique par Joseph Perrier :

Lo curat de la chapela, par Joseph Perrier, à Champs-sur-Tarentaine, 1986. Enregistrement Eric Cousteix


Par ailleurs, la version chantée par l'ancien violoneux Henri Tournadre (de Marchal, dans le Cantal), montre comment le procédé du « tralala » (chant en onomatopées) permet au musicien de développer l'air relativement simple du début, en abandonnant les paroles.

Henri Tournadre, La fuelhada [La feuillade], chant et tralala. Enregistré à Champs-sur-Tarentaine, 1975-76, par Olivier Durif. © Durif / AMTA


6. La "branche corrézienne" : Maire se sabias [Ma mère si tu savais]

Cette bourrée jouée surtout dans les Monédières (au centre du département de la Corrèze), est aussi issue de « Au bòsc de la fuelhada », mais son évolution sous les doigts des violoneux de ce terroir lui a donné un caractère très différent. Elle est ici jouée par Henri Lachaud.
Son évolution sous les doigts des violoneux de ce terroir lui a donné un caractère très différent.

On le constate très bien en écoutant tout d'abord une version intermédiaire, un "chaînon manquant" qui permet d'aller de Au bòsc de la fuelhada à Maire se sabias : ce chaînon est la bourrée de Monsieur Rouffet :

 

Bourrée de Rouffet, par M. Rouffet. Enregistré par Olivier Durif à Saint-Bonnet-près-Bort en 1975. © Durif/ BIPO

Henri Lachaud, Maire se sabias, aussi dite Bourrée de Chaumeil. Enregistrement en 1978 par Olivier Durif

7. La branche auvergnate de Paris

Une autre famille de mélodies issue des formes les plus simples de La calha a été beaucoup jouée dans le milieu des musiciens auvergnats de Paris, souvent sous le titre alternatif de L'esclopeta (« La sabotée », qui désigne sans doute la danse).

Très transformée et presque méconnaissable, elle atteint son développement extrême sous les doigts de l'excellent cabretaire (joueur de cabrette) Antoine Bouscatel.

Nous en donnons auparavant une version plus simple à écouter, par François Vidalenc.

La calha, par François Vidalenc. © BIPO

La calha bela calha (La caille, belle caille), par Antoine Bouscatel. Disque vinyl "Bouscatel - Roi des cabretaires - Les origines du bal musette" (ed. Musiciens Routiniers, 1983). gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

30 août 2020

Jean-Marc Delaunay

Musicien