Zikr Qâdirî Khâlwatî

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Le contexte

Niveau de présentation : Avancé

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Zikr Qâdirî Khâlwatî


Musique sacrée
Glorification du Sublime : ouverture
Zikr d'Alep, Syrie
Zikr

Zikr Qâdirî Khâlwatî de la Zâwiya Hilaliya à Alep

Chanteurs :
Muhammad Hakim (chantre principal), Abdullah Rihawi, Abdurahman Halak, Ahmad Machal, Muhannad Alwan, Ahmad Moslemani, Bakri Basal, Abdulhadi Kasara, Omar Shaban Hosayn, Ibrahim Karman.
 

Cette analyse propose de commenter l’extrait d’une cérémonie de zikr (ou dhikr) mené par la confrérie Hilaliya d’Alep. Le déroulement modal, mélodique et rythmique est soutenu par une gestion particulière de la vitesse et de l’intensité.
 

Disque Chant soufi de Syrie. Dhikr qâdirî khâlwatî de la Zâwiya Hilaliya, Alep, Inédit/Maison des Cultures du Monde, 2002 (piste 1). Enregistré le 22 mars 2001 à la Maison des Cultures du Monde (Théâtre de l’Alliance Française), Paris. © Maison des Cultures du Monde

 

Le contexte

Organisation de la zawiya et du zikr : espace, participants et transmission

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Contexte de jeu

L'organisation de l'espace social et musical du zikr

L’organisation spatiale est très importante dans la cérémonie rituelle : elle prend en compte la direction de la Mecque (la Qibla). Cette assemblée s’organise en cercle concentrique.

Chaque place dans l’assemblée est définie et hiérarchisée. Cet ordre n’est modifié qu’en cas d’absence de l’un des membres (qui récupèrera sa place à son retour).

La disposition de l'assemblée de la Zâwiya Hilaliya :

Les différents participants se placent ainsi :

  • Au centre se tient le conducteur : le raïs (ou rayes)

  • Autour du raïs, ses deux ailes : les munchidin.

  • Formant l’assemblée : les zakrin.

  • Le public restant : tous les autres participants.

-        Le cheikh de la zâwiya se tient de l’autre côté du chef du cercle et du raïs. C’est le propriétaire des lieux. Il représente la plus haute autorité, celui qui dispose l’assemblée et place donc tous les participants. C’est la première personne que l’on salue en entrant dans les lieux.

Les membres de l’assemblée se jaugent en fonction de leur place dans le lieu. Plus ils se tiennent proches du raïs, plus le niveau de prestige de l’individu est haut. Le cas échéant, les « gens de Dieu », c’est-à-dire les personnes chez qui le cheikh reconnaît un engagement avéré, une force émotionnelle particulière, seront placées près du centre, près du raïs. Les étrangers viendront juste après, du fait du prestige social qui leur est accordé. Près du cheikh se placent les participants réguliers, qui fréquentent souvent la zâwiya.

Dans le zikr, les relations des participants au cheikh et au raïs sont bien différentes : on regarde le cheikh (rapport visuel) et on écoute le raïs (rapport d’audition).

Fonctions musicales des trois ensembles de protagonistes :

1. Le chef : le raïs .Il est le chef d’orchestre, le conducteur et le soliste principal qui interprète les improvisations.

2. Les ailes : les munchidin, deux chanteurs principaux qui forment les deux ailes autour du raïs. Ces deux ailes peuvent elles-mêmes avoir des ailes (jusqu’à 8 chanteurs) : elles sont hiérarchisées. Ces chanteurs pourront plus tard devenir raïs.
Leur rôle est de maintenir la mélodie des chants, les paroles, et la tonalité (cette dernière détermine le critère d’appréciation de l’interprétation des chanteurs). Ils constituent les appuis vocaux du raïs, et peuvent improviser si le raïs leur en donne la permission.

Dans cet enregistrement, le groupe de chanteurs est uniquement constitué du raïs et de ses munchidin.

3. Zakrin : l’assemblée.  Son rôle est de tenir la tonalité et le rythme. Ils répètent les formules rythmiques et reprennent la mélodie. L’assemblée des zakrin peut rassembler jusqu’à 400 personnes. Celui qui conduit l’assemblée est le chef du cercle, de la halqah. Il est positionné derrière, de l’autre côté, et  conduit le rythme.

Du chant de l’ensemble se dégage une émotion qui pousse aux larmes les auditeurs, c’est-à-dire le reste des participants (le public).
Il est toutefois rare que le public d’auditeur ne chante pas du tout : le zikr n’est pas un spectacle ou une cérémonie à écouter, mais bien à pratiquer. C’est la recherche d’un sentiment fort de relation avec Dieu qui est visée, plutôt que de la transe (impropre au lieu).

Question d'apprentissage et de transmission

Transmission, mémoire, création

La justesse des modes et la transmission du savoir : le rappel des maîtres

Les personnes exécutant les modes ont acquis une justesse très poussée du fait de la transmission du savoir de maître à élève, par la répétition. 

Mais ce n’est pas, loin de là, uniquement une question de savoir musical : le savoir-faire du chant – c’est-à-dire la faculté de savoir chanter les modes d’une façon juste – est lié à la mémoire et au rappel des maîtres passés et décédés.

Ce rappel est la base de la construction de l’interprétation, la condition de la charge émotionnelle nécessaire au fonctionnement le zikr.

Si le critère d’appréciation des chanteurs est bien la justesse de leur intonation et des modes qu’ils chantent, ce savoir renvoie d’abord à un savoir des modes transmis par les maîtres – c’est-à-dire avec leur poids mémoriel – avant d’être, éventuellement, aussi un savoir intellectuel du maqâm et de sa théorie. Ce savoir intellectuel n’est pas indispensable, tandis que le savoir issu de la transmission et donc d’une pratique de cœur est, lui, nécessaire.

En dehors de la cérémonie de zikr, certains chanteurs sont chargés de transmettre aux prochaines générations. Dans ce cas, aujourd’hui, ils utilisent des moyens d’enregistrement comme les téléphones mobiles et smartphones.

Chant et rappel mémoriel, par Fawaz Baker. © Drom, 2020

28 juillet 2020

Fawaz Baker

Musicien, compositeur